Il y avait des jours où l’on aurait vraiment du rester coucher. Bus manqué, collant filé, mot de passe oublié, d’ordinaire M. Murphy ne manquait pas de prévenir ses victimes. D’ordinaire. Parfois c’était justement le manque d’indice, l’absence totale de petit tracas dont on aurait du se méfier. C’était souvent là que se cachaient les plus grandes catastrophes et ça, Nina allait l’apprendre à ses dépends.

Pour Nina, ce samedi après-midi avait même plutôt commencé sous un bon jour : shopping, perspective d’un rencard le soir, la belle italienne n’avait vraiment aucune raison de se méfier d’un tour du destin.
Masquée derrière ses dernières trouvailles pour son diner, Nina affrontait sans peur les dangers d’un centre commercial en pleine affluence. Attention, enfant de trois ans à droite, demi-tour escalator bloqué! Zigzagant avec adresse, elle avait même pris de l’assurance et collé un appareil portable entre son oreille et le creux de son épaule. Pour l’heure, comme toute trentenaire à la vie amoureuse aussi mouvementée que le championnat de pétanque de 98, la légiste parlait avec animation avec une de ses collègues de son boulot :
« Je t’assure, y a un truc pas net dans cette histoire… Oui! Trente ans d’expérience, un chimiste! Comment veux-tu que j’y crois?! »

Évitant de justesse un autre bambin brailleur, Nina décida d’alléger ses souffrances et d’emprunter l’ascenseur pour rejoindre Leslie, une de ses amies au dernier étage. Les deux femmes avaient rendez-vous à cinq heures pour se préparer.

« Attends! Un débutant qui se serait étouffé sur sa propre expérience, à la rigueur! Mais tu crois vraiment que ce gars là se serait fait avoir comme ça? Asphyxie au cyanure d’hydrogène? Après ce n’est pas mon boulot, je ne suis pas une experte, mais ça me semble vraiment bizarre… Étourdi tu me dis? Ouai, peut-être mais à ce point c’est criminel… Enfin bref, je vais te laisser, j’ai reçu un message, je crois que Leslie s’impatiente! »

De toute façon, Nina était arrivée près de l’appareil. Posant ses affaires un instant elle raccrocha et appela l’ascenseur. Sa destination entrée, elle consulta enfin son message.
‘Désolée, imprévue, je ne peux pas venir. A lundi! : )’

Arf. Tant pis pour le café!

S’apprêtant à sortir de l’engin, Nina, de nouveau masquée par ses achats, fut arrêtée par une silhouette sombre qui s’engouffra dans l’ascenseur au moment même où les portes se fermaient. Si les choses en étaient restées là, l’histoire n’aurait pas valu la peine d’être racontée, mais évidemment, les choses ne s’arrêtaient jamais en si bon chemin.

Après quelques secondes, l’appareil s’arrêta net. Panne d’ascenseur. Entre le troisième et le quatrième étage.

Génial.

Un tant soit peu agacée, Nina posa ses affaires. Qu’allait-elle faire : appeler les secours? Attendre quelques minutes pour voir si l’appareil allait se remettre en marche? Hésitante, la trentenaire jeta un coup d’œil à son camarade de fortune, cherchant un peu d’aide.

Bon ba ce n’était pas gagné!

L’individu n’avait rien du bellâtre des comédies romantiques. S’il avait bien l’air tout droit tiré d’un film, son personnage collectionnait sans doute plus les séjours en prisons que les aventures.
Grand, vêtu de noir et le visage masqué, c’était tout à fait le genre de fréquentations de son frère.
Bref, le mec absolument pas rassurant qu’on ne préfère jamais rencontrer dans sa vie.

Qu’est-ce qu’il foutait là?!

Aussitôt, Nina détourna son regard, ne sachant plus trop quoi faire. Ce n’était pas tout à fait le genre de situation qu’elle avait l’habitude d’aborder. Pas du tout même. Pas du tout du tout du tout.
Sa respiration s’accéléra. Elle ne devait surtout pas céder à la panique et chercher une solution.

Réfléchis Nina… Qui pourrais bien t’aider.

La solution s’imposa d’elle-même : Thomas. Légèrement soulagée, Nina consulta son téléphone, ravie de son initiative.

Pas de réseau.

Oh serait-ce là la barre de charge, le petit symbole complètement vide?

On ne panique pas. On ne panique surtout pas.

On panique?